Histoire de RIQUEWIHR

Très certainement occupé par les Romains déjà, le site fut exploité au 6ème siècle par un propriétaire franc du nom de "Richo". Son nom, associé à celui de son domaine, "Richovilla", est à l'origine du nom de "Richovilare", devenu au fil des siècles "Riquewihr". Ne pouvant entretenir seul ses terres, il s'adjoignit des aides qui bâtirent des maisons et devinrent ainsi les premiers habitants de Riquewihr.

"Richovilare", avec les villages d'alentour, appartenait au 12ème siècle aux comtes de Horbourg. Le site de Riquewihr était alors dominé par un château fort, le "Reichenstein" : devenu par la suite un repaire de chevaliers brigands, ce château fut détruit en 1269 sous la conduite de Rodolphe de Habsbourg qui, quelques années plus tard, fut élevé à la tête du Saint Empire Romain Germanique.

Le calme revenu, Riquewihr connut une croissance démographique et économique conséquente grâce au développement de son vignoble. Afin de protéger hommes et biens, le comte de Horbourg fit entourer le bourg de murs et de fossés en 1291 : dès lors, Riquewihr fut élevé au rang de ville, jouissant d'une certaine notoriété dans la contrée. De cette époque, il reste des vestiges importants (le donjon du Reichenstein dans la vallée du Sembach, le mur d'enceinte nord et ouest…) et les témoins emblématiques que sont devenus les premiers monuments de la ville, la tour-beffroi du Dolder et la Tour des Voleurs.

La famille des Horbourg étant sur le point de s'éteindre, leurs derniers descendants vendirent en 1324 leur domaine, comté de Horbourg et seigneurie de Riquewihr, aux comtes de Wurtemberg qui, vers la fin du siècle, s'allièrent par mariage à la maison des Montbéliard.

Sous le gouvernement des Wurtemberg-Montbéliard, Riquewihr étant devenue capitale et  centre administratif, judiciaire et religieux de leurs possessions situées sur la rive gauche du Rhin, la ville connut une longue période heureuse, du moins jusqu'à la Guerre de Trente ans : le commerce florissant du vin qui s'exportait dans tout l'Empire et les pays hanséatiques, amena une grande prospérité dont témoignent les demeures remarquables datées pour l'essentiel du 16ème siècle.

Au 17ème siècle, lors de la Guerre de Trente ans (1618-1648), les armées, sous différentes bannières, déferlèrent sur l'Alsace et dévastèrent affreusement tout le pays, sans oublier Riquewihr. Ainsi, en 1635 puis en 1652, la cité fut assiégée, prise et pillée  par les troupes du duc de Lorraine. La famine et les épidémies firent le reste ; le taux de mortalité fut extrêmement élevé, la misère s'installa, Riquewihr connut la désolation.
La cité aura de la peine à s'en relever, le passage des armées du roi de France en 1675 n'arrangeant pas la situation. D'ailleurs en 1680, les émissaires de Louis XIV prirent possession de Riquewihr, qui resta cependant soumise aux lois et coutumes de l'Empire germanique et aux ordres des Wurtemberg.

Après la Révolution française, les Wurtemberg ayant été contraints d'abandonner leurs possessions sur la rive gauche du Rhin, Riquewihr est définitivement rattachée à la France en 1796 par le traité de Paris.
Alors que plusieurs localités des environs ont été entièrement détruites lors de la dernière guerre mondiale, Riquewihr, heureusement épargnée, n'a été que très peu endommagée, malgré la proximité du front (décembre 1944 - février 1945, Poche de Colmar).

Régulièrement assiégée, souvent en quête d'identité, toujours debout, la ville de Riquewihr, classée parmi "les plus beaux villages de France", a su s'imposer au fil des siècles comme un site rare, d'une richesse historique exceptionnelle et d'une beauté géographique unique, ce qui, avec ses deux millions de visiteurs par an, lui vaut le titre incontesté et envié de "Perle du Vignoble".

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Le Dolder et la rue du Général de Gaulle

Porte haute de la cité, construite en même temps que la première enceinte fortifiée à la fin du 13e siècle, le Dolder (1291) servait à la fois de tour défensive, de tour de guet et de beffroi.
En alsacien, "Dolder" signifie "le point le plus élevé, la cime". Du haut de ses 25 mètres, cette tour menaçait l'ennemi par l'aspect dépouillé et guerrier de sa façade extérieure, alors que la façade intérieure tournée vers la ville, réjouissait depuis le 16e siècle la vue des habitants par l'agréable agencement de ses poutrages de bois et ses quatre étages en encorbellement. Son premier niveau constituait l'un des points de départ du chemin de ronde qui, au haut du rempart, faisait le tour de la ville.

A partir de cette époque, le gardien de la ville y logeait ; il avait pour mission de fermer les portes de la ville le soir venu, d'assurer le guet, de sonner l'alarme en cas d'incenie ou d'approche ennemie ou d'incendie. La petite cloche à son sommet, refondue en 1842, porte l'inscription : "C'est la joie, c'est l'alarme que mon son produit ; du jour j'annonce le vacarme et le repos de la nuit".

Le Dolder fut et reste l'emblème de la ville, son symbole caractéristique, et un repère pour ses habitants.

La tour abrite un musée depuis 1911 ; entièrement réaménagé en 2009-2010 selon le thème « une cité viticole fortifiée du Moyen-âge et son évolution du 13e au 17e siècle », il présente entre autres une collection d’armes ayant, à la même époque, servi à la défense de la cité ; il évoque en outre les fonctions de guetteur, de veilleur de nuit, de portier, dont les occupants successifs de la tour avaient la charge, sans oublier la lutte contre le feu. Par ailleurs, du haut de la tour, on jouit d’une vue remarquable sur les toits de la cité et en direction de la plaine d’Alsace. Géré par la Société d’Histoire et Archéologie de Riquewihr, ce lieu historique et de mémoire s’honore du label « Musée de France »

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La Tour des Voleurs et la rue des juifs

Musée de la Tour des Voleurs avec Maison de Vigneron
Tour des Voleurs (fin 13e - début 14e s.) : Tour défensive angulaire, avec accès par le chemin de ronde.
A servi parallèlement de prison du 15e au 18e siècle et de lieu d'exercice de la justice seigneuriale du temps des comtes et ducs de Wurtemberg. Chambre de torture pour mise à la question, avec estrapade et oubliette ; salle de gardes avec collection d'instruments de torture ou servant à infliger des peines infâmantes.

Maison de Vigneron (16e siècle), avec cuisine, chambre à vivre ("Stub"), décorations murales, cave ; le cellier contient des outils de vigneron et de tonnelier.

Espace d'exposition temporaire : "1914-1918 : Riquewihr, à l'arrière du front - Petite histoire dans le contexte de la Grande". Cette exposition présente le vécu et le ressenti des habitants de la cité située certes à l'arrière du font mais pas étrangère à un conflit bien plus vaste ! L'histoire de cette période est rendue accessible au moyen de documents originaux (photos, gravures, illustrations, affiches, articles de presse, objets) et de textes explicatifs ; pour une meilleure compréhension, deux vitrines rappellent la situation antérieure (guerre de 1870 et Alsace allemande entre 1871 et 1914-18).

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La Place des Trois Eglises

Cette place rappelle le souvenir des "trois églises sur un cimetière", selon un célèbre dicton du 14è siècle :
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-        l'église paroissiale consacrée à Sainte-Marguerite, datant des 12e au 15e siècles,
-        l'église de pèlerinage dédiée à Notre-Dame, du début du 14e siècle,
-        l'église Saint-Erard liée au proche hôpital, datant de la fin du14e siècle. Selon l'usage, le cimetière entourait alors l'église paroissiale.

Après l'introduction de la Réforme dans ses territoires par le comte Georges de Wurtemberg en 1534, l'église de pèlerinage fut transformée en presbytère protestant, la chapelle de l'hôpital en école et le cimetière fut déplacé hors les murs. Les deux bâtiments existent encore et laissent apparaître quelques traces de leur destination première : architecture, grandes arcades et encadrement de fenêtres pour Notre-Dame  et, pour Saint-Erard, quelques fragments d'une peinture murale représentant un Jugement dernier peint de la fin du 15ème siècle, ainsi qu'une parole biblique en alémanique gravée sur le linteau de la porte : "La parole de Dieu demeure éternellement". Subsistait alors l'église paroissiale dès lors utilisée pour le culte protestant, puis à partir de 1687 à nouveau et simultanément par les Catholiques trop vétuste et branlante puisqu'un pilier avait cédé, elle est démolie en 1845 et remplacée par deux nouvelles églises, l'une à l'usage des Protestants construite de 1846 à 1859 au même emplacement, l'autre pour les Catholiques, construite de 1846 à 1849 près de la "Porte-Neuve".


L'Hôtel de Ville et l'ancienne Porte Basse

Jusqu'au printemps 1789, date de sa démolition, l'ancien Hôtel de Ville se trouvait au centre de la ville, dans la rue principale. En avancée jusqu'au milieu de la rue, des arcades laissaient un large passage sous une partie du bâtiment où se tenait le marché ; une fontaine agrémentait en outre ce secteur de la ville.
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L'Hôtel de Ville actuel, de style néo-classique, a été construit en 1809 à peu près à l’emplacement de l’avant-poste ou barbacane de la Porte du bas de la ville, en retrait de l’enceinte de 1500. L'étroit passage qui traverse l'actuel bâtiment imposant en son milieu rappelle la fonction de l'ancienne porte fortifiée, fonction à la fois défensive et d'accès principal à la cité.


La Porte Haute ou Obertor

A quelques pas du Dolder, vers la sortie ouest, se dresse un avant-poste, ou barbacane, appelé la "Porte Haute" datant des environs de 1300. Dans le passage, on remarque la porte massive à double battant et la herse en bois, de 1536, sans doute la plus ancienne d’Europe.
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Avec la généralisation des armes à feu, les Riquewihriens estimèrent, vers la fin du 15e siècle, que leur enceinte fortifiée primitive n'était plus suffisamment efficace. Seigneur de Riquewihr, lLe duc de Wurtemberg, seigneur de Riquewihr, ayant à cœur de protéger  les habitants de la ville et le produit de leurs vignes, fit édifier un second rempart en grès des Vosges aux environs de 1500. Par la même occasion, la barbacane fut renforcée et munie d’un pont-levis : l’emplacement où il venait s’encastrer est encore visible sur le mur extérieur. Nanti des deux portes, celles du bas et du haut de la ville, de tours défensives et de deux bastions aux angles sud-est et sud-ouest (ajoutés en 1621), ce dispositif de protection fut complété d'un large fossé achevant de rassurer les habitants de la cité.


Le château des Wurtemberg

C'est donc en 1324 que le comte Ulrich de Wurtemberg acquit la seigneurie de Riquewihr, avec l'ancien château que ses successeurs réaménageront par la suite. Ce siècle s'acheva par les fiançailles, en 1397, du comte Eberhard avec la toute jeune Henriette de Montfaucon, héritière du comté de Montbéliard, leur mariage ayant eu lieu dix plus tard, cette union scella un rapprochement durable entre les deux maisons et permit aux Wurtemberg, tout en agrandissant leur territoire, d'augmenter leur influence.

A la fin du 15e siècle, le comte Henri résida au château ; son fils aîné Ulrich, futur duc de Wurtemberg, y est né en 1487 ; de ses secondes noces naquit Georges, en 1498, futur comte de Wurtemberg-Montbéliard, qui aura sa résidence à Riquewihr.

Après l'intermède de la tutelle autrichienne de 1519 à 1527, c'est précisément le comte George qui, remis en possession de ses biens, construira un nouveau château en 1539-1540. Cette résidence imposante se signale par son pignon oriental crénelé portant fièrement les bois de cerf, emblème des Wurtemberg, et par ses nombreuses fenêtres Renaissance. La porte de la tourelle d'escalier est surmontée du nom du commanditaire et de ses armoiries (deux poissons dressés pour les Montbéliard et trois bois de cerf pour les Wurtemberg). Dès 1534, le comte introduisit officiellement la Réforme qui avai déjà gagné des adeptes dans la cité sous l'occupation autrichienne. Dans la foulée, il fonda une école et veilla à l'instruction de la jeunesse. Marié sur le tard avec la jeune Barbe, fille du Landgrave de Hesse, la cérémonie eut lieu au château de Riquewihr ; leur fils Frédéric né en 1557, héritier providentiel et continuateur de la lignée, sera un personnage non moins important pour le grand duché de Wurtemberg sur les deux rives du Rhin et dans le Pays de Montbéliard. En 1574-75 sera érigé dans la cour du château le bâtiment administratif voisin, la "chancellerie" adossée à tour-porte du bas de la ville.
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Bien plus tard, placé sous séquestre par le roi de France de 1723 à 1748, comme toutes les propriétés des Wurtemberg en Alsace, le château est resté inoccupé durant cette période. En 1748, les Wurtemberg redeviennent seigneurs de Riquewihr (sans pourtant y habiter), mais seulement jusqu'à la Révolution française. En 1793, leurs biens, dont le château, sont confisqués et vendus l'année suivante comme bien national.
Après avoir passé entre plusieurs mains privées, le bâtiment est acquis en 1861 par la commune de Riquewihr qui y installe l'école : de nombreuses générations de jeunes Riquewihriens y reçurent leur instruction élémentaire et primaire, tantôt en français, tantôt en allemand, selon les aléas de l'Histoire !


La fontaine de la Sinne ou Sinnbrunnen

Située au pied du Dolder, cette fontaine mise en place au milieu du 16e siècle sous sa forme actuelle, servait particulièrement à jauger et à nettoyer les tonneaux, barriques, cuves, baquets, hottes et autres récipients utilisés par les viticulteurs.

Sa colonne centrale est surmontée d'un lion héraldique sculpté portant, à droite, le blason des seigneurs de Horbourg (propriétaires de la cité jusqu'en 1324) et, à gauche, le blason de Riquewihr (qui reprend l'étoile des Horbourg et les trois bois de cerf, emblème des Wurtemberg, nouveaux seigneurs de la ville).

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L'itinéraire Schickhardt

L’association « Itinéraire Culturel du Conseil de l’Europe Heinrich Schickhardt »

Fondée en 1998 et présidée par Denise Rietsch, adjointe au maire d’Horbourg-Wihr et présidente de la société d’histoire ARCHIHW, cette association compte 22 villes membres (voir carte). Elle multiplie les initiatives pour faire connaître l’œuvre d’Heinrich Schickhardt : la réalisation d´un inventaire de son œuvre et d´une exposition itinérante, la parution d´un ouvrage sur ce maître d´œuvre, l’organisation de colloques. Il est important de souligner que l´association repose sur la volonté d´hommes et de femmes de promouvoir les relations franco-allemandes, les échanges culturels et le bilinguisme entre ces deux pays, à travers Heinrich Schickhardt.

Dès 1992, le Conseil de l’Europe retenait le thème « Heinrich Schickhardt » et reconnaissait le regroupement des villes liées entre elles par Schickhardt comme un Itinéraire Culturel Européen. Enfin, en 2004, les Itinéraires Culturels Européens ont été rebaptisés par le Conseil de l’Europe. Une nouvelle mention leur a été attribuée : Itinéraire Culturel du Conseil de l’Europe.


Heinrich Schickhardt, architecte de la Renaissance


Heinrich Schickhardt (1558-1635), a marqué pendant un demi-siècle le visage du Wurtemberg et de régions aujourd´hui françaises : l´Alsace et le Pays de Montbéliard. Il fut surnommé le « Leonardo da Vinci souabe ».

Ce maître d´oeuvre, très polyvalent, travailla en tant qu´architecte, ingénieur et urbaniste, notamment auprès du Duc Frédéric 1er de Wurtemberg. En tant qu´urbaniste, il élabora des quartiers entiers comme à Montbéliard, créa des villes entières à partir de rien, comme à Freudenstadt, ou réorganisa des villes incendiées. En tant que maître d´oeuvre du Wurtemberg, il planifia, rénova et conçut de nombreux bâtiments et ouvrages techniques (ponts, moulins, fontaines, etc.). Au cours de sa vie, Schickhardt a construit ou transformé plus de 50 châteaux et manoirs.